Dans le Gard, des solidarités alimentaires
À Vauvert dans le Gard, le Secours Catholique développe une démarche innovante d'accompagnement des personnes en précarité autour du "bien se nourrir". Parmi les actions phares adaptées au contexte sanitaire, l'équipe propose des paniers de produits frais hebdomadaires, mais aussi des rencontres autour d'un four mobile entre les habitants au coeur d'un quartier prioritaire.
Comme tous les jeudis matin depuis le début de la crise sanitaire, la Roulotte des délices du Secours Catholique, une cuisine ambulante qui sillonne les routes du Gard depuis plusieurs années, se gare sur le parking près d'une école.
Il va être 10 heures. Le ciel de ce début janvier est d’un bleu pur, la fraîcheur de l’air vivifiante. Cinq bénévoles se préparent à la distribution de paniers solidaires qu’ils sortent du fourgon dans lequel, il y a encore un an, on préparait des repas chauds.
« Ah ! Cela me manque de ne plus pouvoir cuisiner, se plaint Christiane Durulp, bénévole de la Roulotte des délices. D’habitude on pense toute la semaine au menu qu’on va servir, aux plats qu’on va préparer. Là, ce n’est pas pareil, mais c’est tout aussi utile. » Christiane et quatre autres bénévoles vont, pendant une heure, distribuer la moitié de la trentaine de paniers commandés. La distribution de la seconde moitié se fait une heure plus tard devant la gare.
Légumes de saison
Poireaux, carottes, pommes de terre, navets, oignons, choux rouges, blettes, butternuts, salades, fenouils… Autant de légumes de saison qui constituent les paniers. Aujourd’hui, pas de fruits. Cette semaine, les légumes proviennent d’un établissement voisin employant des personnes en situation de handicap (Esat) et les paniers sont identiques. La semaine prochaine, ce sera la production d’un groupement d’agriculteurs de Saint-Gilles qui fournit deux tailles de paniers.
« Ceux qui reçoivent les paniers savent que les petits coûtent 10 euros, et les grands 17 euros, précise Sylvie Camand, animatrice locale du Secours Catholique. Ils glissent ce qu’ils peuvent dans l’enveloppe close qu’ils nous remettent à réception de leur panier. »
Il y a ainsi une prise de conscience de la valeur et de la qualité à la fois des produits et de l’aide ; et une discrétion qui permet de ne pas embarrasser davantage ceux qui ont peu de moyens. Une bénévole de l’équipe a pu établir qu’en moyenne les bénéficiaires donnent 4 euros par panier.
Les destinataires des paniers devraient quadrupler dans les prochaines semaines. « Nous avons répondu à l’appel à projets 2020-2022 du Gouvernement dans le cadre du Plan de soutien aux associations de lutte contre la pauvreté, explique Sylvie Camand. Sur les 146 000 euros accordés, quelque 100 000 euros vont nous permettre de distribuer un panier solidaire à 160 foyers supplémentaires pendant un an, dont 30 foyers à Vauvert, 30 à Aimargues et 30 au Grau-du-Roi. »
Contre le repli sur soi
L’équipe du Secours Catholique de Vauvert sillonne le Sud du Gard pour aller vers ceux qui ont besoin d’aide. Mais elle concentre son attention sur un des quartiers les plus pauvres du département, le quartier prioritaire des Costières de Vauvert, ensemble d’immeubles et de maisons pavillonnaires coupé en deux par la voie rapide qui relie Arles à Montpellier.
Aux Costières, « plusieurs communautés ne se mélangent pas forcément. Il y a un véritable repli sur soi », déplore Sylvie Camand qui, depuis plusieurs années, cherche les moyens de rassembler les habitants et de les faire sortir de leurs HLM.
Tournées au pied des immeubles
La Roulotte des délices est un de ces moyens imaginés puis mis sur pied il y a quatre ou cinq ans par l’équipe pour créer du lien. Un autre a été de faire construire un four à pain pour inviter les habitants des Costières à descendre de leurs appartements et faire cuire leur pain, leur pizza, leur pita, leur bretzel. « Les gens qui jusqu’ici ne se connaissent pas, se rencontreront autour du four. »
C’est une subvention des collectivités publiques, d’un peu plus de 3 000 euros, qui a permis la réalisation de ce four à pain monté sur roues. Il sera opérationnel dès que les conditions sanitaires l'autoriseront.
Conçu pour le Secours Catholique et réalisé par Bruno Lorthiois, ingénieux ingénieur local, écolo et bricoleur, porte-voix et modèle de la décroissance, ce four très économe fonctionne au feu de bois et monte en vingt minutes à une température de 300°C. Il a été construit avec l’aide de quatre jeunes issus d’une association d’insertion.
Sylvie Camand, animatrice au Secours Catholique du Gard
« Deux fois par mois, nous projetons de faire une tournée au pied des immeubles avec la Roulotte, le four et les partenaires qui animent des ateliers de recyclage ou de réparations, de diététique aussi », espère Sylvie Camand. Quand nous n’utiliserons pas le four, nous le mettrons gratuitement à la disposition de nos partenaires. »
Un médiateur pour l'accès à l'alimentation
« La municipalité de Vauvert travaille main dans la main avec le Secours Catholique, se félicite Leila Kamel, médiatrice sociale de la ville. Je sais que je peux compter sur l’association. Nous conjuguons nos potentiels pour aider les personnes en difficulté à résoudre leurs problèmes. »
Grâce à la ville et aux aides de l’État, le Secours Catholique de Vauvert va salarier un habitant du quartier qui servira de médiateur pour l’accès aux droits à la santé et à l’alimentation. Une ressource supplémentaire pour lutter contre la précarité alimentaire.
« Nous innovons, se félicite Sylvie Camand. Ce médiateur sera en lien avec les professionnels qui vont travailler dans la prochaine maison de santé, au cœur du quartier prioritaire de Vauvert. Ainsi qu’avec une infirmière libérale qui, grâce à ses visites à domicile, peut identifier les personnes isolées ou qui présentent des carences alimentaires. »
Aider les gens à vivre mieux en mangeant mieux, cela prend tout son sens aujourd'hui.
« La démarche alimentaire du Secours Catholique me parle : aider les gens à vivre mieux en mangeant mieux, confie Sabine Chabbert, journaliste à la retraite et, depuis peu, bénévole au Secours Catholique de Vauvert. Elle prend tout son sens dans la conjoncture actuelle. Rapprocher ceux qui ont du mal à bien manger et les agriculteurs qui ont du mal à écouler leur production, c’est du gagnant/gagnant. »
Pour comprendre ce que son bénévolat pourrait apporter à l’équipe, Sabine Chabbert va sur le terrain et voit ce qu’il s'y passe. Déjà elle rapporte : « Une maman algérienne m’a dit : “Mes enfants qui n’ont jamais aimé les légumes se sont mis à en manger. Ils disent que ceux-là ont du goût. “ »