« Et au milieu coule... Sandrine Rivière »
C’est bien au centre qu’on peut la rencontrer. Sandrine Rivière exerce son métier de médiatrice sociale au centre-ville d’Alès classé « zone prioritaire ». Elle a accepté un CDD pour la mission de trois ans, renouvelable une fois, que lui a confié le Secours Catholique Caritas France du Gard, pour intervenir à Alès, dans le cadre d'un contrat d’adulte relais* financé en partie par la Région Occitanie.
Sandrine Rivière nous ouvre volontiers le grand livre de son histoire. Au chapitre premier, on la voit naître en plein océan Indien, à Saint-Louis sur l’île de la Réunion. Nous sommes en 1980. Au fil des premières pages, Sandrine manifeste un goût prononcé pour la métropole qu’elle finira par rejoindre.
AU LARGE DE LA RÉUNION
A 24 ans, elle décide de réaliser son rêve. Toulon (Var) sera sa première ville d’accueil. Puis il y aura… Montpellier et Beaucaire. Emplie de courage et soucieuse d’atteindre l’objectif qu’elle s’est fixé en quittant son île natale comme un défi personnel, et deux enfants plus tard, elle arrive à Alès en 2013. Une ville proche de la nature qu’elle adore, « où il fait bon vivre, et où son ami le soleil brille de mille feux ».
LA RENCONTRE
« Les grands esprits se rencontrent », dit-on couramment, et c’est en 2019 que Sandrine fait la connaissance du Secours Catholique du Gard qui mène une opération dite “aller vers“, à proximité de Tamaris, le quartier où elle s’est installée. Elle-même avait déjà manifesté sont intérêt pour le bien commun, puisqu’elle faisait partie du Conseil citoyen. Dès lors, un nouvel horizon associatif se dessine pour elle.
Aujourd’hui médiatrice de lien social et de mobilisation des habitants, salariée du Secours Catholique, voici comment Sandrine définit elle-même sa mission :
« Mon rôle est de créer du lien avec et entre les habitants du quartier prioritaire du centre-ville afin de mettre en place des actions et/ou des projets selon les besoins d’un collectif ».
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*Contrat adulte relais. Depuis le 16 septembre 2021, le contrat adultes-relais permet à certaines personnes sans emploi ou bénéficiant d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi d'assurer des missions de médiation sociale et culturelle de proximité, dans le cadre d'un contrat d'insertion. Elles doivent remplir des conditions liées à l'âge et au lieu de résidence. L'employeur doit être une administration, une association ou une entreprise privée chargée de la gestion d'un service public.
Pour en savoir plus : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1019
« J’ai été recrutée par le Secours Catholique en mai 2021. Je suis là pour créer du lien avec les habitants, en mettant en place d’actions et de projets, pour monter un collectif, afin de réfléchir sur un projet », poursuit Sandrine Rivière, en rajoutant : « j’adore mon métier ».
Cette convention tripartite entre le Secours Catholique, l’Etat et l’adulte-relais propose une répartition de la prise en charge du salaire : Soit 15% à la charge de l’employeur et les 85% restant assumés par l’état.
ALLER VERS
« Pour parler plus concrètement de mon rôle, poursuit Sandrine, je prends l'exemple de ces huit habitantes du quartier qui sont venues me voir. Elles se plaignaient de la présence dérangeante de quelques jeunes venus d’un autre quartier faire de la musique à fond, parler fort, avec trafic de stupéfiants, tapages nocturnes, bref un climat d’insécurité qui progressivement s'accentuait dans les rues au bas de chez elles… ».
Face à cette situation, Sandrine fait comprendre avec sagesse aux habitantes qu’il est possible d’agir et de trouver des solutions. Tout en les avertissant qu'aucune habitante, ni elle-même, ne sont malheureusement pas habilitées à résoudre les trafics de drogue.
FORCE DE PROPOSITIONS
« Je leur ai proposé en revanche de faire intervenir un commandant de police avec qui je suis également en lien, pour venir leur expliquer comment les pouvoirs publics envisagent la situation. Moi-même, j’ai pris l’initiative d’aller voir ces jeunes pour ouvrir le dialogue et les avertir des nuisances qu’ils provoquent en se réunissant ainsi régulièrement dans le quartier. Plusieurs fois, je suis allée discuter avec eux. Ils ne m’ont pas prise de haut, car je ne les jugeais pas. Les jeunes me disaient qu’eux-mêmes se sentaient agressés par ces femmes. Ils s’étonnaient de voir qu’elles ne voulaient pas venir discuter avec eux sur ce qui les dérange. Ils me disaient : ‘Nous on est là, on fait du mal à personne, nous on zone. Nous on zone’. J’ai constaté que personne n’avait fait la démarche d’aller vers eux pour leur expliquer les raisons du dérangement qu’ils peuvent provoquer, affirme Sandrine».
LA COMMUNICATION COMME SOLUTION
Sandrine Rivière a eu l’idée de mener une action pour ouvrir ces jeunes à d’autres possibles, et faire en sorte qu’ils rencontrent les locataires du quartier. Elle leur a proposé de faire du graphe. Mais, les jeunes ont refusé.
« Je voulais aussi amener une guitoune sur place », mais cette proposition n’a pas obtenue l’autorisation des responsables locaux, en raison de l’interdiction législative d’occuper l’espace public. L’idée de Sandrine était de faire intervenir quelques-uns de ses partenaires artistes, comme un cirque, ou des comédiens, afin de créer sur place une animation qui aurait pu permettre de mettre en relation les jeunes avec les habitants du quartier.
« Mais aujourd’hui, s'étonne Sandrine, j’ignore encore les raisons pour lesquelles ces jeunes ont levé le camp. Toujours est-il qu'ils sont tous partis ! ».
Le travail de la médiatrice consiste essentiellement à résoudre des conflits de voisinage, tout comme elle peut apporter une réponse aux problèmes des commerçants du quartier. C’est la raison pour laquelle elle n’hésite pas à entrer dans les boutiques ou à monter dans les étages des immeubles pour rencontrer son public. Progressivement, sa présence a été reconnue et rassure tout le monde.
ÊTRE Ȧ L’ÉCOUTE
« Par rapport à ma mission, les gens me disent souvent :’On sent avec toi qu’on est écouté’. Bien sûr, poursuit Sandrine, ce n’est pas facile tous les jours, mais j’essaie de mobiliser les uns et les autres. Par ailleurs, avec le recul on a pu constater que la période du Covid-19 a fait beaucoup de mal à cette volonté de susciter les rencontres »…
« Moi, je ne suis pas là pour avoir des résultats, je suis là pour proposer des solutions. Ma grande problématique c’est comment créer du lien entre les générations ? ».
Sandrine Rivière estime que sa mission quotidienne serait beaucoup plus fluide si elle pouvait être menée en binôme. « Car les gens sont devenus sauvages, ils ne veulent plus communiquer, ni entre eux, ni avec personne ».
Ce message à été entendu par la direction de la délégation du Secours Catholique du Gard qui d’ores et déjà recherche des bénévoles susceptibles d’assumer ce rôle à Alès, en binôme avec Sandrine.