
L'EDITO DE NOTRE NOUVELLE NEWS-LETTER. VIVRE DANS LA RUE, UN COMBAT AU QUOTIDIEN.
Nous avons décidé de consacrer cette Newsletter#5 du Secours Catholique du Gard aux personnes de la rue.
Et de comprendre, à travers divers témoignages et expériences, comment leur apporter réconfort et soutien, au quotidien, et faire changer le regard que l’on porte sur elles.
Comme tous les trimestres, Loan Ritouni, animateur du territoire de Nîmes au Secours Catholique, réunit au local toute l’équipe des « maraudeurs » pour faire avec eux le point sur leur activité et leurs projets. Autour de la table, Chantal, Emmanuelle, Richard, Annick, François, Jean Hugues, Richard, Maël…Ils sont une dizaine à Nîmes à se mobiliser depuis un an, tous les samedis matin, pour aller sillonner les quartiers de la ville, notamment dans l’écusson, à la rencontre de ceux que l’on appelle les gens de la rue, les SDF, les sans-abris*, tous ces femmes et hommes aux profils disparates qui passent la majeure partie de la journée dans la rue, avec ou sans logement la nuit, parfois dans des abris de fortune ou dans un accueil social, et qui souffrent d’une grande pauvreté, d’exclusion et d’isolement. Lors de cette réunion, chacun évoque les problèmes rencontrés, les projets de partenariats à envisager, le point sur le stock de kits d’hygiène à proposer, le déroulé de la prochaine maraude et les modifications à y apporter, etc. Un moment d’échange d’expériences des uns et des autres, novices ou plus aguerris à la maraude. « C’est à nous de nous adapter aux gens de la rue, pas l’inverse » explique un des maraudeurs . « On se met à leur portée. Si les gens disent non, bon voilà, c’est non. Il ne faut pas insister. ». Ils sont contents de pouvoir rencontrer sur le terrain d’autres bénévoles, d’autres associations, « mais qui ne font pas forcément le même boulot que nous auprès des personnes de la rue. ». Comme le dit Loan, « plus on est nombreux, mieux c’est pour lutter contre l’exclusion et l’isolement. Nous sommes souvent le premier contact de ces gens-là, et nous pouvons avec les autres associations constituer un vrai maillage humain ». Des démarches qui prennent du temps, et qui doivent se faire avec la plus grande délicatesse, pour ménager les susceptibilités entre les différentes institutions et réussir à monter entre elles des partenariats intelligents et vertueux. La communication est essentielle, qu’elle soit entre maraudeurs et entre travailleurs sociaux, mais pas seulement : « Les gens de la rue communiquent beaucoup entre eux, et ça va vite. Ils sont très informés » glisse une maraudeuse qui connait bien le terrain. Mais qui sont-ils, ces gens de la rue ? Difficile à cerner. Ils peuvent avoir 20 ou 30 ans, mis à la rue il y a quelques années par leurs parents, ou 40 ans en moyenne, et plus rarement 70 ans ; il y a des Français, des étrangers, comme à Nîmes des Polonais et des Roumains, arrivés là après une cascade d’événements qui ont cassé leur vie en éclats. Souvent nomades, certains arrivent d’ailleurs, puis repartent. Ils ont parfois un hébergement, beaucoup font la manche, et ils sont nombreux à avoir besoin de parler. Qui sait qui ils sont ? « Nous ne sommes jamais intrusifs avec la personne rencontrée, on attend qu’elle soit en confiance pour échanger. Certaines refusent la discussion. Certains ont toujours vécu comme ça ; on n’est pas là pour changer leur vie, on est là pour les aider, pour se mettre à leur service. C’est le sens humain, sinon, on ne peut pas les aider. On ne parle jamais de religion, mais on se présente comme le Secours Catholique ». Les maraudes durent 2h ou 2h30, parfois plus, car il n’est pas rare que « tout à coup, l’envie de parler est là, et l’échange démarre, on laisse alors la relation s’installer ».
La demande première, c’est le lien social. « Ils nous remercient de nous être arrêtés, d’avoir posé un regard bienveillant sur eux. C’est essentiel qu’on s’intéresse à eux, qu’on passe du temps avec eux. Après, quand on les croise en ville, ils nous sourient. »
Pour Chantal, bénévole à Nîmes, cet engagement relève d’un souhait : celui de se rapprocher humainement des personnes de la rue, d’arriver à établir un lien avec elles. Lors de sa première maraude, elle a été surprise par une jeunesse dans une complète solitude, et choquée par la pauvreté. Mais le fait d’avoir établi un contact, sincère et chaleureux, avec certaines de ces personnes lui a réjoui le cœur et procuré un sentiment de grande espérance. Avec l’expérience, Chantal sait qu’une maraude se prépare, mentalement, avec une prédisposition qui vient du cœur pour se présenter à des personnes souvent inconnues et dans une situation difficile. « Nous sommes en binôme et les échanges sont très intéressants, qu’ils passent par des mots, des regards ou des sourires ». Entre les personnes de la rue et les bénévoles, la relation s’établit par étapes, « s’intéresser à eux, leur donner confiance, et cheminer avec eux pour essayer de leur offrir autre chose que du café (accès aux droit, aide administrative, etc) ». Ce qui parait le plus important à Chantal, et aux autres bénévoles, c’est bien d’être présents, chaque samedi matin, pour établir et renforcer la confiance avec les personnes de la rue, avec respect et considération.
Sabine Chabbert