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Alimentation

Du beau, du bon, du bio, à quel prix et jusqu’à quand ?

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Comment concilier des produits labellisés bio avec l’inflation galopante ?
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Un dossier réalisé par Sabine Chabbert

L’interrogation taraude assurément toutes les équipes des paniers solidaires proposés par le Secours Catholique (SCCF). Quel niveau de qualité exiger pour les consom’acteurs, pour lesquels nous cherchons le meilleur, certes, mais aussi au meilleur prix ? Quelques pistes de réflexion pour avancer.

L’effondrement du marché du bio en France et la baisse du pouvoir d’achat doivent nous faire réfléchir à de nouvelles sources de financement et à des partenariats de confiance avec des producteurs locaux qui respectent l’environnement. Ainsi, les équipes d’Angelina Lucazeau, animatrice responsable du territoire de la Vallée du Rhône, proposent des paniers issus de producteurs locaux qui pratiquent une agriculture raisonnée, « plus précisément sans pesticides ni agriculture intensive ». 

Le coût de ces paniers tourne autour de 20 à 22€ et les personnes participent entre 4 et 6 €, selon les lieux de distributions. « Au cours des bilans avec les familles, nous abordons la question du contenu du panier et de leur provenance. Une grande majorité de ces familles a conscience de l'importance de la provenance des produits, du soutien des producteurs locaux et de la qualité des produits qu'ils ont dans leur panier. Qu'ils n'achèteraient pas s'ils n'avaient pas accès à l'action des paniers solidaires ».

C’est clair. Denis La Rocca, bénévole au Secours Catholique - Caritas France sur les paniers solidaires de Sommières et friand des paniers solidaires, explique ainsi l’évolution dans le choix des producteurs : « À Sommières, nous avons commencé les paniers il y a 18 mois avec des producteurs bio, et en ce moment nous travaillons avec un producteur de la région qui pratique une agriculture raisonnée, sans pesticide ni molécules de synthèse, mais sans label bio. Cela nous permet d’avoir la certitude de produits sûrs et de qualité, sans pour autant avoir des prix excessifs, généralement lié à ce label bio. Nous lui achetons les paniers 20€, et cela représente entre 5 et 6 kilos de fruits et légumes, avec une boite d’œufs ».

Les objectifs des paniers solidaires
•  Rendre accessible à tous une alimentation locale et de qualité
• Soutenir les producteurs locaux
• Impliquer les consommateurs dans l’organisation et les prises de décisions, renforcer leur pouvoir d’agir
• Sensibiliser à l’alimentation et l’agriculture durable et accompagner les changements de comportements alimentaires
• Créer du lien social

Pour Sylvie Camand, animatrice Sud-Gard, et très impliquée dans ce projet depuis trois ans avec Angelina Lucazeau (et initiatrice de ce projet), le constat est évident. « Depuis quelques mois, les familles veulent d’abord se nourrir. Les paniers solidaires sont certes une aide économique et leur qualité est appréciée, mais si demain on arrête les paniers, ces familles s’en passeront, en retournant dans les supermarchés. Elles n’ont pas les moyens d’acheter des produits bio, plus chers ».

Globalement, le fait que cela soit du local, bio ou agriculture raisonnée, label ou pas, contente les familles car ce sont de bons produits, sans pesticide. « On a aussi plusieurs personnes qui ont des problèmes de santé, et, pour ces familles, c’est essentiel d’avoir accès à des produits de qualité. C’est bon pour le moral aussi de découvrir de beaux produits qui ont du goût, et cela leur donne de la force. Ce qui est sûr, c’est que nos consom’acteurs actuels, qui ont de tout petits budgets, n’auraient jamais accès sans nous à des produits d’une telle qualité, une telle saveur et diversité ».

Pour Camille Villajos, chargée de projet circuits courts et alimentation au Civam du Gard (Centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural), « le bio reste néanmoins pour moi un gage de qualité et de respect de l’environnement. C’est la seule garantie pour le consommateur d’une agriculture respectueuse de l’environnement. Il existe un cahier des charges. Ce qui n’est pas le cas de l’agriculture raisonnée qui nécessite une parfaite confiance avec le producteur. Aller voir sur place ne suffit pas, il faut connaître ce métier et ses pratiques. Au moins, le label bio permet de se décharger de ses questionnements ».

Enfin, Nathalie Horn (Sanctum Mediterranée) n’hésite pas à enfoncer le clou, car cette consom’actrice et productrice de semences, plantes aromatiques médicales et à parfums, et de légumes, porte haut et fort la bannière d’une agroécologie, « pour une agriculture vraiment propre et biologique, sans graines enrobées porteuses de pesticides dévastateurs pour la planète. Notamment tueurs d’abeilles, indispensables à la pollinisation ». Des mini-courgettes qui n’arrivent jamais à maturité parce que les fleurs n’ont jamais été pollinisées ne sont pas rares : le manque d’abeilles se fait déjà cruellement sentir.

Les paniers solidaires, comment ça marche ?
Les premiers paniers solidaires gardois sont nés à Vauvert en 2020. Aujourd’hui ce sont huit équipes (Redessan, Saint-Gilles, Vauvert, Aimargues, Sommières, Beaucaire et les Angles, ainsi qu’une épicerie solidaire à Aramon) qui font partie du projet Paniers solidaires. Ce qui représente plus de 350 familles accompagnées en 2022.

Concrètement, les familles en situation de précarité bénéficient d’un panier de produits frais et locaux (fruits, légumes, œufs, environ 6 à 7 kilos en tout) pour 5€ en moyenne. Les familles contribuent au prix du panier et s’engagent également à participer à la vie du projet. Ces paniers sont aussi accessibles à des personnes qui ne sont pas en précarité, au prix producteur (entre 19 et 23 € selon les endroits), afin de créer de la mixité sociale au sein du groupe de consommateurs.

Bien plus qu’un dispositif d’aide alimentaire classique, les paniers solidaires redonnent une place centrale aux personnes accompagnées qui s’impliquent dans l’organisation et participent aux décisions. La convivialité et le partage sont également au cœur du projet qui permet de créer des espaces de lien social très importants. Il ne faut pas non plus oublier les producteurs locaux qui proposent leurs produits. Les agriculteurs partenaires des paniers solidaires sont rémunérés au juste prix.

Paroles de consom'acteurs

« Les paniers solidaires donnent une vraie place aux consommateurs, et la possibilité de s'engager. Le manque d'engagement est souvent lié à la honte d'être en précarité ou à la peur de ne pas avoir les compétences nécessaires pour aider », Claire – consom’actrice et bénévole

« Sans les paniers, on aurait du mal à manger équilibré : ça devient un luxe d'acheter des légumes. C'est pour ça qu'il faut que ça continue ! », Laetitia - consom’actrice

« Les paniers solidaires, c'est un soutien financier énorme et en plus ça m'apporte beaucoup. On forme une famille : je me sens bien car on ne me juge pas. », Sandrine – consom’actrice et bénévole.

Des financements nouveaux

Grande nouveauté : le territoire du Sud-Gard lance une campagne de financement participatif (crowfunding). Suite à une réunion avec Jean-Claude Holdrinet, président de la délégation du Secours Catholique (SCCF) du Gard, les équipes ont été mises devant l’évidence : « Nous devons faire face à une nouvelle logique financière et trouver les moyens de financer nos projets. Il faut s’y mettre, se mobiliser ».

Les Restos du Cœur ont été les premiers à annoncer début septembre leur difficulté à affronter la crise économique et le risque d’une fermeture à court terme. Stupeur et tremblement dans l’édifice politico-social. Avec 35% de repas supplémentaires à servir entre 2022 et 2023, l’intendance et la finance ne suivent plus dans cette pépite de générosité créée par Coluche. Les médias français s’en sont fait largement l’écho, dévoilant une situation globale tendue pour toutes les associations. Le Monde du 26 septembre a consacré un bel article aux paniers solidaires du Secours Catholique de Vauvert. Et comme l’explique Sylvie Camand, « jusqu’à présent le Secours Catholique tenait bon, mais depuis deux ans nous répondons à des appels à projet de l’État, de la Région, des départements et des communes. ».

Pour Sylvie Camand, cette campagne de financement participatif a de nombreuses vertus.  « Cela permet bien sûr de faire parler de nous, c’est un formidable outil de communication. Et en allant chercher de l’argent, cela va aussi pousser les consom’acteurs, les bénévoles et les salariés, à se poser des questions sur le financement des paniers. Nous sommes tous concernés par la recherche de fond, et si nous communiquons astucieusement, tous ensemble, nous pourrons atteindre la somme souhaitée, qui est de 9000€. Il est essentiel d’avoir tous à l’esprit cette nécessité financière et de réfléchir à la pérennité de ce système de paniers solidaires, peut-être aussi pour responsabiliser tout le monde, et faire en sorte que tous se mobilisent pour la même cause. »

Camille Villajos, du Civam du Gard, est la coordinatrice de cette campagne de financement participatif. Elle a mis en place tous les outils de communication et orchestré leur entrée en scène, dans les médias et sur les réseaux sociaux. Elle coache les équipes du Secours Catholique pour faire fonctionner les "hauts-parleurs" et les relations de chacune et chacun. Avec une belle motivation pour cette première campagne de financement, car « les besoins augmentent et il faut sécuriser l’approvisionnement pour l’an prochain, et profiter de cette opération pour valoriser le travail, notamment celui du Secours Catholique depuis 2020. Et bien sûr, expliquer au plus grand nombre le fonctionnement et les vertus de ces paniers. »

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Une campagne en rangs serrés

Cette campagne de financement participatif est lancée dans le cadre du projet Qualim'atous - Paniers solidaires, co-animé par le Secours Catholique du Gard, la FD CIVAM du Gard et le département du Gard avec de nombreux partenaires : Centre socio-culturel Odyssée, Edit et Pollux, Centre socio-culturel la Croisée, Espace de vie sociale les 4A, CEFAE, etc. Développement des paniers solidaires, animations et sensibilisation à destination des personnes accompagnées et réflexion sur le modèle économique forment le socle du projet Qualim'atous. Le projet est soutenu par la DRAAF Occitanie (Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt) dans le cadre du plan de relance.

La campagne de financement participatif, initiée le 25 septembre, se déroulera jusqu’au 12 novembre. L'objectif à atteindre : aller chercher 9000€ pour continuer à financer l’achat de fruits et légumes locaux destinés aux « consom’acteurs », dont une grande partie est dirigée vers le SCCF par les services sociaux.

Mutualisation des idées et des efforts

Le 12 septembre a eu lieu à Aimargues une réunion importante organisée par le Pôle d'équilibre territorial et rural Vidourle-Camargue (PETR) pour tous les acteurs de la solidarité alimentaire. L’objet ? Réfléchir collectivement à la mise en place d’un outil facilitant l’apport de produits locaux, la logistique et la distribution, et d’en réduire les coûts via des achats groupés. Et ce, grâce à un lien renforcé entre tous les acteurs, producteurs locaux et structures associatives du territoire.

Deux ans de travail de concertation pour mobiliser près de 200 acteurs locaux et construire une vision et une stratégie partagée pour l’alimentation, de la production à la consommation en passant par la gestion des déchets. L’objectif est de maintenir une agriculture forte et durable, et de garantir une alimentation saine, équitable et locale à tous les habitants, en conciliant une triple dimension économique, environnementale et sociale pour s’engager vers une économie alimentaire vertueuse, comme le résume ainsi le PETR Vidourle-Camargue dans son compte-rendu qui propose de valoriser et de promouvoir un outil existant, le Proxidon.

Cette plateforme numérique, créée par les Banques alimentaires*, permet aux associations d’aide alimentaire adhérentes de collecter les surplus et invendus encore consommables des donateurs (distributeurs et producteurs) situés aux alentours grâce à un système d’échange simple associé à la géolocalisation. Proxidon propose, les associations disposent, en réservant le don proposé en ligne et en allant le récupérer en temps et en heure.

Le Secours Catholique a participé à cette première réunion et va suivre les travaux, qui devraient aboutir rapidement à l’expérimentation de l’outil Proxidon tout au long de l’année 2024. Comme l’explique Titouan Denimal-Pinto, chargé de mission Projet alimentaire territorial (PAT), « la thématique alimentaire agricole n’avait pas été prise en compte avant 2021, à l’échelle de notre territoire.  Et c’est grâce au PAT que nous avons pu initier cette coordination entre producteurs locaux et structures de solidarité alimentaire. Deux mondes qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble sur cette thématique. Et qu’il nous faut informer, mobiliser et former à ce nouvel outil ». Affaire à suivre donc.

 

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Sylvie Camand. Animatrice du territoire Sud Gard
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Sylvie Camand. Animatrice du territoire Sud Gard
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Camille Villajos. Fédération départementale des CIVAM du Gard
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Camille Villajos. Fédération départementale des CIVAM du Gard
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Schéma du fonctionnement du Proxidon