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Nîmes
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Précarité

La fraternité entre dans le cœur des Nîmois

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Le16 octobre 2021, veille de la Journée internationale pour l’éradication de la pauvreté, a clôturé une semaine de sensibilisation du grand public sur la précarité des plus démunis, au centre de Nîmes, place Saint-Charles. L’opération Urgences pauvretés organisée par le réseau Anaïs (Associations nîmoises d’actions et d’interventions sociales) qui regroupe trente-cinq associations a reçu le soutien du Secours Catholique du Gard, et mobilisé  plus de cinq cents personnes selon les organisateurs.

Vers une prise de conscience

          « Ȧ Nîmes, 29 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, 36 % n’a pas eu son Bac. La pauvreté est bien présente parmi nous, mais nous n’en n’avons pas toujours très bien conscience. C’est la raison pour laquelle, avec le réseau Anaïs, nous avons souhaité prendre un temps pour réfléchir à ce problème des pauvretés pour tenter de trouver des solutions par le dialogue ouvert à tous. De ces débats publics, temps fort  chargés de micro-événements, nous faisons savoir que certains d’entre nous souffrent de grande précarité et ne mangent pas à leur faim. Certains ont beaucoup de mal à se loger, à se laver, à se soigner, à se cultiver. Nous tenons à le dire, à en parler publiquement afin que les choses changent », a déclaré Benoît Chermanne, délégué diocésain à la Solidarité et à la famille, membre de l’organisation Urgence pauvreté(s). Il a notamment animé la table ronde sur la grande précarité à laquelle participaient de nombreux intervenants dont, Élina Dumont.

De la DDASS à la rue

          Élina maintenant comédienne, comique, qui se produit en « One Woman Show » revient de loin, de très loin. Elle écrit elle-même ses spectacles. Désormais, elle commence à percer. Concernant la pauvreté, Élina sait parfaitement de quoi elle parle. En effet, elle a passé 15 ans dans la rue ! :

  • « Je m’appelle Élina Dumont, je suis une enfant de l’abandon », dit-elle avec simplicité pour se présenter. « Ma maman naturelle n’a pas pu s’occuper de moi, elle était un danger pour ses enfants. Elle buvait et passait beaucoup de temps en hôpital psychiatrique. C’est pourquoi j’ai été placée à l’âge de deux ans par la DDASS dans une famille d’accueil, située dans un trou paumé de la campagne du Perche. Au milieu des vaches, des près et des forêts. Là, je peux vous dire qu’on apprend déjà la vie, comme on dit. Famille rustre, mais avec le cœur sur la main. On me disait souvent : ‘On a rien sans rien ! Sans travail tu n’iras pas loin. Ne te fie pas au premier venu et soigne ta présentation’. J’ai bien fait comme me l’avait dit ma mère d’accueil, mais … ça n’a pas suffi. J’ai erré de foyers en squats, chez des connaissances qui sont devenues des amis. J’étais naïve. J’ai fait confiance, accepté toutes les propositions. Mais finalement, tous ont fini par m’abandonner. Alors, je me suis retrouvée dehors, sans limites. J’ai appris à survivre. J’ai appris les règles de la rue, celles que l’on se fabrique pour continuer à avancer. Dehors, il n’y a que trois verbes qui comptent : manger, se réchauffer, dormir. Et, avec un petit coup de pouce du destin, trouver quelqu’un pour avoir un travail. Mais, précise Élina, j’étais même addicte au crack, et j’ai réussi à m’en sortir ! Comme quoi, il faut toujours croire y croire, même quand vous vous trouvez au bout de l’enfer ! ».

          On peut retrouver le témoignage complet et le parcours hallucinant d’Élina DUMONT dans son livre, « Longtemps, j’ai habité dehors – De la DDASS à la rue, de la rue à la vie » publié chez Flammarion (2013).

Il est 7 heures,  Nîmes s’éveille

          Alors que Nîmes se réveillait à peine, et que certaines personnes sans domicile fixe dormaient encore dans la rue, à proximité, les organisateurs s’affairaient pour que tout soit prêt à l’heure de l’ouverture prévue vers 9h45, place Saint-Charles. Éric Thimel,délégué du Secours Catholique du Gard, a donné  un coup de main : installer les tentes pour l'organisation des quatre débats du matin, avant de prendre le micro et lancer cette magnifique opération de solidarité. Puis c’est au tour de Mathieu Lané, crieur public, de dire un conte pour installer une ambiance conviviale.

          Très vite, les personnes en errance des environs ont été invitées à prendre une collation pour se réchauffer avec un thé, un café et quelques petits gâteaux orientaux  offerts. Car la nuit a été froide et la température a mis du temps à remonter. Parmi eux, il y avait Franck, qui était assis au bout du boulevard Gambetta. Lui, il arrive à trouver un peu de travail chez les particuliers des environs. Et puis aussi, il y avait Tatiana, qui mendie devant la poste juste à côté de la place Saint-Charles. Elle est roumaine, et ne parle que très peu le français. Elle a un enfant (mais on ne sait pas où il est), elle est heureuse de boire une boisson chaude, et de manger des petits gâteaux.

Un programme riche 

          Toutes les tables rondes mises en place, les débats ont pu commencer sur les thèmes de  

  • la grande précarité, la santé, le logement : la rue un choix, une vie ?
  • l'éducation et la pauvreté : les conséquences de la précarité sur l’éducation, pistes et solutions,
  • le chômage et l'emploi :  la précarité est-elle un frein au retour à l’emploi ?
  • les femmes et la pauvreté : les impacts de la crise sanitaire sur la précarité du travail des femmes ?

          Les débats se sont animés et se sont déroulés dans une ambiance bon-enfant, sans aucune agressivité. Tout le monde a eu son mot à dire, son expérience à partager. Même certains sans-abris, comme Patrick, et Fabrice, ont participé à la discussion. Selon Patrick : « Les sans-abris ne sont pas écoutés, il n’y a pas assez de solutions pour leur venir en aide convenablement ». Pour Fabrice : « L’argent de l’État est mal utilisé. Car on leur propose des hébergements temporaires dans des hôtels, pour un certain coût, alors, qu’il y a d’importantes surfaces de libres dans les logements HLM, qui pourraient faire l’affaire, et qui couteraient beaucoup moins cher ».

          Une soupe de légumes géante réchauffée sur le gaz a été proposée par la Table ouverte à ceux qui avaient faim à midi. Vendue 1 €, elle a été offerte à ceux qui n’avaient pas les moyens de se la payer. Sur d’autres stands ont été vendus à bas prix des sandwichs et des boissons. Puis dès l’après-midi, à partir de 14 h, d’autres tables rondes se sont mises en place invitant aux débats sur :

  • l'accès à la culture : pour des personnes en précarité, pourquoi, comment ?
  • les migrants : présence de Cédric Herrou et Julia Montfort : quels accès aux droits pour les étrangers  et en tant que citoyen, que puis-je faire ?
  • la justice et la pauvreté : est-ce une justice de classes ?
  • les média et la pauvreté : discours sur la pauvreté et leurs conséquences,
  • l'environnement et la pauvreté :  ce que nous apprend l’Afrique 

Les habitants, les passants, les curieux, ont rejoint les bénévoles et les militants, ont participé à un débat puis à un autre, se sont enrichis de l’expérience de ceux qui s’attaquent à ces pauvretés et de ceux qui les vivent au jour le jour.

La chaleur humaine, la richesse des échanges, l’engagement joyeux des uns et des autres, ont créé une ambiance fraternelle, l’envie d’avancer ensemble, de se donner des rendez-vous, pour aller plus loin, et d’exprimer le désir de voir émerger un autre monde, une autre société.

19/20 Languedoc-Roussillon - Émission du samedi 16 octobre 2021 en streaming - Replay france 3 Languedoc-Roussillon | France tv

 

Frédéric Bonnet